Le miroir liquide : retour en grâce de la laque
C’est une matière qui capte la lumière comme une confidence. Une peinture qui ne s’applique pas, mais se compose. Lentement. Méthodiquement. En couches presque invisibles, jusqu’à devenir surface réfléchissante, presque hypnotique.
La peinture laquée miroir signe son grand retour dans les intérieurs contemporains.
Et avec elle, c’est tout un imaginaire qui ressurgit : entre architecture radicale, décors cinématographiques et élégance couture.
Une matière à double fond
Elle évoque à la fois le paravent laqué d’un palais japonais, la carrosserie d’une Mercedes 600 Pullman, ou encore un couloir signé Kubrick — trop parfait pour ne pas être inquiétant.
La laque, dans sa version miroir, oscille entre sophistication ultime et froideur maîtrisée. Elle ne se contente pas de briller : elle reflète, déforme, magnifie. Elle crée une distance. Une scène.
Chez Pierre Cardin, dans ses appartements futuristes de Lacoste ou dans les lignes de ses créations sculpturales, le laqué miroir était partout : noir, rouge, chrome — toujours tendu, toujours impeccablement silencieux. Comme un vêtement qui ne froisse jamais.
La laque n’a pas d’âge, mais elle a une mémoire.
Brillance assumée, luxe sans bavure
À contre-courant des textures mates et des teintes sourdes qui ont envahi les intérieurs ces dernières années, la peinture laquée miroir impose un autre tempo. Plus lent. Plus radical. Plus intense.
Ce n’est plus une simple finition, mais un parti-pris : une surface qui ose se faire voir, qui capte l’attention et s’en amuse.
Dans les intérieurs contemporains, on la retrouve en aplat : sur les portes d’un dressing secret, sur les panneaux coulissants d’une cuisine graphique, ou sur des meubles qui tiennent plus de la sculpture que de l’aménagement.
Elle dialogue avec le marbre, s’oppose au bois brut, éclaire le béton.
Et surtout, elle n’a pas besoin d’en faire trop.
Une esthétique cinématographique
Dans Eyes Wide Shut, les reflets multiples de laque noire accompagnent les errances de Tom Cruise comme un miroir de son désarroi intérieur. Chez Wong Kar-Wai, chaque plan semble recouvert d’un voile brillant, saturé de lumière et de désir.
Dans ces univers ultra stylisés, la laque miroir n’est jamais un décor passif : elle est personnage, tension, narration.
On la devine aussi chez les designers qui pensent l’espace comme une mise en scène : Dimore Studio, India Mahdavi, Rodolphe Parente, ou même la galerie Vervoordt, où le laqué trouve sa place entre lin brut et bronze patiné.
Miroir exigeant
Mais attention, la laque miroir ne pardonne rien.
Chaque irrégularité de surface, chaque poussière devient visible. C’est une finition qui exige un geste d’orfèvre, un support parfaitement préparé, et souvent plusieurs jours de séchage entre les couches.
Elle incarne, à elle seule, un certain retour au respect du temps, à l’artisanat hautement qualifié, à l’idée que le beau prend du temps.
Un art de la mise en scène
Utilisée avec parcimonie, la peinture laquée miroir donne du rythme à un espace. Elle ouvre une perspective, réfléchit un lustre, capte la lumière. Elle attire l’œil, mais ne cherche pas à séduire — elle impose sa présence.
Un laqué noir profond dans une pièce écrue, c’est comme une voix grave dans une conversation trop aiguë.
Dans les années à venir, il y a fort à parier que la laque poursuivra cette renaissance discrète mais assurée. Ni tendance ni revival, elle s’impose comme un élément de langage, un outil narratif pour les architectes et les décorateurs qui pensent l’intérieur comme un film.
Royan : entre tropicalisme et modernisme
Savant mélange de l’esthétique sobre, fonctionnelle et minimaliste des influences du Bauhaus, de Le Corbusier ou Auguste Perret et de la créativité colorée, aérienne et solaire de l’école brésilienne, propre à Oscar Niemeyer, Royan bouscule les codes.
Son architecture, longtemps décriée, semble être l’objet d’un regain de fascination.
Laboratoire de formes et de lumière
Entre lignes tendues et courbes libres, béton brut et jeux de lumière, la ville se dévoile dans un équilibre étonnant entre rigueur géométrique et sensualité architecturale. Royan n’est pas une carte postale figée, mais un paysage urbain en mouvement, où le modernisme des années 50 dialogue subtilement avec des influences plus exotiques.
Certains bâtiments emblématiques _ le marché central, l’église Notre Dame, Le Palais, certaines villas _ expriment cette tension entre formalité et audace formelle. Ici, le béton se fait poétique, presque sculptural. Là, une façade en moucharabieh dialogue avec les brise-soleil tropicaux.
Royan inspire une nouvelle génération de créateurs, de photographes, d’architectes et de décorateurs à l’instar de Florence Deau, Clémence Joséphine Touzet ou Adrien Lahaye. Il ne s’agit plus seulement de patrimoine, c’est un terrain d’étude, une palette esthétique, un champ d’expérimentation.

Butter Yellow : tendre, doux, redoutablement désirable
Elle est partout. Dans les vitrines des créateurs, sur les podiums comme dans les rayons de la déco, dans les assiettes des food stylists comme sur les murs des architectes. Le butter yellow — ce jaune crémeux, légèrement doré, tout en rondeur — s’impose comme la couleur douce mais décidée du moment. Une teinte enveloppante, solaire mais jamais criarde, tendre, douce et redoutablement désirable !
Si la mode s’en empare en maille doudou ou en tailleur pastel, le design l’adopte en céramique mate, en velours poudré ou en peinture texturée. Mais c’est surtout dans l’architecture intérieure, pensée et scénographiée, que cette nuance trouve un nouveau terrain d’expression.
Deux projets récents en offrent une interprétation aussi sensible que maîtrisée.
Vous allez fondre pour le Butter Yellow !

Une teinte architecturée : Le duplex de Sant Gervasi par Arquitectura-G
À Barcelone, le studio Arquitectura-G a transformé un duplex du quartier de Sant Gervasi en un espace lumineux et fluide. Les architectes ont ouvert davantage de fenêtres sur la façade nord et ont partiellement démoli le plancher du deuxième étage, créant ainsi un salon en double hauteur de près de 6 mètres. Les murs blancs et les carreaux de grès cérame émaillés de couleur jaune pastel habillent les surfaces verticales, tandis qu’un parquet en bois tropical de grapia assure une continuité visuelle entre l’intérieur et la terrasse. Les éléments tels que l’escalier, le balcon et le mobilier sont réalisés en tôle perforée, permettant à la lumière de pénétrer librement dans tous les recoins de l’habitation.
Ce projet illustre parfaitement la manière dont une teinte douce comme le jaune pastel peut transformer un espace en un lieu chaleureux et accueillant, tout en répondant aux contraintes d’un bâtiment existant.

Épure feutrée : Le Cann pour la résidence hôtelière Address
À Paris, le studio Le Cann, formé par Raphaëlle Robert et Guillaume Fantin, signe l’identité du premier appartement de la nouvelle résidence hôtelière Address, située à proximité de la Place Vendôme. Ce projet réinvente l’expérience du séjour urbain en combinant design audacieux et confort haut de gamme. L’appartement se distingue par l’utilisation de tons butter yellow, apportant une touche de douceur et de luminosité à l’espace. Cette teinte, à la fois chaleureuse et apaisante, s’inscrit dans une palette de couleurs soigneusement sélectionnée pour créer une ambiance accueillante et raffinée.

Une couleur de fond plus que de forme
Ce renouveau du jaune n'est pas une déclaration. C'est un murmure. Une couleur qui ne cherche pas à dominer mais à accompagner. Elle agit comme une matière atmosphérique : elle réchauffe sans alourdir, elle définit sans contraindre.
Le butter yellow s’impose comme une couleur d’architectes — pensée, calibrée, et utilisée avec une précision presque textile. Une teinte de fond, plus que de forme, qui redéfinit la chaleur dans les intérieurs contemporains.
